Esprit critique

Les zététiciens sont-ils biaisés ?

Un biais cognitif est un raccourci de la pensée involontaire et généralement non conscient.

Ces raccourcis ont pu être utiles à la survie de notre espèce au cours de son évolution, et ils sont toujours indispensables à notre fonctionnent cognitif, social, et à notre rapport à l’environnement. Néanmoins ils ne sont pas toujours adaptés, et peuvent être source d’erreurs de raisonnement. Ils sont de natures variées, comme vous pourrez le constater sur le CODEX des biais cognitifs.

« Très souvent, les biais résultent de l’application d’heuristiques. Il s’agit de règles qui conduisent à des approximations souvent efficaces, mais faillibles. Elles permettent notamment de simplifier les problèmes (Yachanin et Tweney, 1982). Elles reposent en général sur un traitement partiel des informations disponibles mais leur emploi fréquent au quotidien tient à leur fonction de simplification des problèmes, de réduction de l’incertitude et au fait qu’elles permettent de proposer des réponses socialement acceptables (Drozda-Senkowska, 1997). »

Les sceptiques, dits aussi zététiciens en France, sont sensibilisés aux biais cognitifs et aux illusions, car leur existence permet d’expliquer des phénomènes réputés paranormaux, des comportements, et sont parfois utilisés (consciemment ou non) par les pseudo-sciences pour induire en erreur.
Les paréidolies sont à l’origine d’interprétations mystiques, comme l’apparition (la perception) de la Vierge Marie sur un mur (ou de Jésus Christ sur un toast), ou de certains phénomènes OVNI. La négligence de la taille de l’échantillon est l’une des erreurs commises par les opposants à la vaccination. L’effet de validation subjective (dit Barnum ou Forer) est souvent utilisé par les astrologues ou les médiums, leur donnant une illusion de clairvoyance.

En psychologie sociale, les heuristiques ne sont pas perçues comme des erreurs, car elles répondent, généralement efficacement, à des situations et des objectifs. Nous ne pouvons pas condamner une personne pour être victime d’un biais, c’est un phénomène naturel auquel nous sommes tous soumis. Tout au plus peut-on lui en expliquer le mécanisme. Le scepticisme nécessite aussi de s’efforcer à repérer nos propres biais de raisonnement avant de mettre en avant ceux des autres.

Le but du présent billet n’est pas d’approfondir théoriquement la vulgarisation des biais cognitifs.

Les zététiciens mis à l’épreuve

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Cessons « l’appel à
Dunning-Kruger »

Les références à l’effet Dunning-Kruger ne cessent de nous délecter d’une délicieuse ironie de situation, récemment à nouveau marquée par la vidéo de Konbini à son propos, qui reprend les concepts dont l’origine me reste mystérieuse de « montagne de la stupidité » et de « vallée de l’humilité », le tout présenté par un journaliste qui serait spécialisé dans les fake news, mais qui aurait pu prendre le temps de se renseigner pour ne pas lui-même tomber dans ce qu’il voulait, à juste titre, dénoncer chez les anti-masques.
L’objet de ce billet n’étant pas en soit de vulgariser l’effet Dunning-Kruger, je vous propose pour cela l’infographie sourcée de Florence Dellerie alias Questions animalistes.

L’effet Dunning-Kruger est facilement brandi pour se moquer des personnes qui diraient des bêtises en maitrisant beaucoup moins bien un sujet qu’elles ne le pensent, en supposant donc soi-même mieux maitriser le sujet qu’elles. Mais cela prend généralement la forme d’une vision populaire surestimant elle-même sa compréhension de l’effet de Dunning-Kruger, en se basant sur une représentation graphique dont nous ne connaissons pas l’origine et qui laisse penser que les débutants se croiraient meilleurs que les experts :

Or à aucun moment les graphiques Dunning-Kruger n’indiquent qu’en moyenne les amateurs plus ou moins avancés ne se penseraient meilleurs que les experts. Les moins bons surestimeraient simplement davantage que les meilleurs le niveau de certaines de leurs capacités. Cette différence entre le classement réel des participants (en gris) et le classement qu’ils attendent d’eux-mêmes (en noir) diminue à mesure que leur performance augmente, tel que les meilleurs en viennent même à légèrement se sous-estimer :

Un point important concernant cette « surestimation des compétences » : dans Kruger et Dunning (1999), ce n’est pas leurs performances en elles-mêmes que des individus surestiment, mais le niveau de leurs performances par rapport à celles des autres, ce qui peut faire penser à l’effet « better-than-average » (supériorité illusoire).

La complexité et les extrapolations abusives de l’effet Dunning-Kruger, et de ses interprétations, ne s’arrêtent pas là, comme vous pourrez le découvrir dans la vulgarisation critique de Sceptom, qui pointait déjà l’objet de ce billet il y a plus de 6 ans, dans le fil Twitter de BunkerD, ou encore dans ce récent article scientifique envisageant l’effet Dunning-Kruger comme un artefact statistique.

Même si tout cela n’empêche pas l’existence, par ailleurs, de divers phénomènes pouvant mener à de la surconfiance, je propose donc que nous pensions tous à considérablement réduire notre « appel à Dunning-Kruger ».

Pour finir je souhaite faire un petit point méthodologie en vous mettant en garde concernant lorsque vous regardez et interprétez un graphique : les angles, les amplitudes, et les espaces entre les courbes que vous pouvez observer sont totalement dépendants des choix de graduations, et des mêmes données peuvent ainsi être représentées visuellement de manières qui nous donnent envie de les interpréter différemment. Les intéressés pourront regarder cette vidéo de Nicolas Gauvrit ou lire cet article des Décodeurs. Alors ne vous y méprenez pas, un simple graphique ne sera jamais suffisant à vous indiquer si une différence est significative ni la taille de l’effet qu’il représente. Ici, comme sur le trompeur graphique populaire, je n’ai pas pris la peine de mettre de graduation, et j’aurais tout à fait pu vous faire une courbe plus plate ou au contraire plus verticale que celle-ci :

Le véritable effet Dunning-Kruger.
Surestimation des performances estimées comparativement à celles des autres participants, en fonction des performances réelles réalisées.

Une histoire de logique

(BD) Une histoire de logique

*Par traduction littérale de l’anglais Premise, « Prémisse » est ici à comprendre au sens d’hypothèse du personnage ou de prologue de l’histoire. En terme logique, c’est sa conclusion générale et non une prémisse de ses raisonnements que le personnage exprime au début. « Hypothèse acceptée. » serait plus approprié.
**Dans l’essentialisme génétique (genetic fallacy), le terme génétique se réfère à la genèse, et pas spécifiquement aux gênes comme on pourrait le penser.

Une histoire de logique :
https://twitter.com/dialmformichele/status/1164272622798090242
https://www.instagram.com/p/B1cIqSkgLS6

A look at logical fallacies :
https://michelerosenthal.com/portfolio/logical-fallacies

Disponible en poster :
https://society6.com/product/une-histoire-de-logique_poster

Attention, ces robots ne semblent pas très pédagogiques !