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« Au Nom de la Science » – Martin Gardner

Martin Gardner (1914 – 2010) était un vulgarisateur scientifique particulièrement connu pour sa chronique « Mathematical Games » dans Scientific American et pour son opposition aux pseudosciences. Il côtoie déjà le magicien James Randi et le sociologue Marcello Truzzi lorsqu’ils sont tous conviés en 1976 par le philosophe Paul Kurtz, inquiet d’une montée des croyances paranormales, à la conférence qui aboutira à la fondation du Committee for Scientific Investigation of Claims of the Paranormal.

Bien avant la création de ce qui deviendra ensuite le Committee for Skeptical Inquiry, Gardner publie en 1952 (soit peu après l’apparition du Comité Para, bien que les évènements ne soient pas directement liés entre eux), un ouvrage intitulé In the Name of Science: An Entertaining Survey of the High Priests and Cultists of Science, Past and Present. À l’occasion de son édition revue et étendue en 1957, le livre se renomme Fads and Fallacies in the Name of Science, non sans intentionnellement rappeler Foibles And Fallacies Of Science, titre d’un ouvrage du physicien Daniel Webster Hering datant de 1924, et qui faisait déjà la critique des pseudosciences et charlataneries.

La seconde édition de l’ouvrage nous gratifie d’une préface intéressante : Gardner nous rapporte que, à la suite de la publication du livre en 1952, il reçut de nombreuses lettres de lecteurs mécontents. Cela n’est pas étonnant, et les vulgarisateurs sceptiques contemporains ne sont pas étrangers des harcèlements de la part des imposteurs et des croyants, même si les lettres sont aujourd’hui remplacées par les réseaux sociaux en ligne (voir exemple de Jacques Grimault). Mais Gardner pointe que, plus que de simplement avoir été critiqués, nombre de mécontents se plaignent particulièrement d’avoir été mis au même niveau que telle ou telle autre pratique : ils ne remettent pas en cause les critiques envers les autres disciplines, voire les approuvent, c’est seulement celles envers leur discipline dont ils s’offusquent. Un constat qui, lui aussi, rappelle celui fait en 2018 par Frank Ramus dans son article « La rationalité est-elle à géométrie variable ? ». L’ouvrage a également reçu des retours positifs ainsi que des critiques constructives accompagnées de ressources additionnelles utiles à la construction de sa seconde édition. Dans cette préface, le livre de Daniel W. Hering est mentionné comme un des rares écrits antérieurs ayant pu donner des pistes à Gardner.

In the Name of Science

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Les zététiciens sont-ils biaisés ?

Un biais cognitif est un raccourci de la pensée involontaire et généralement non conscient.

Ces raccourcis ont pu être utiles à la survie de notre espèce au cours de son évolution, et ils sont toujours indispensables à notre fonctionnent cognitif, social, et à notre rapport à l’environnement. Néanmoins ils ne sont pas toujours adaptés, et peuvent être source d’erreurs de raisonnement. Ils sont de natures variées, comme vous pourrez le constater sur le CODEX des biais cognitifs.

« Très souvent, les biais résultent de l’application d’heuristiques. Il s’agit de règles qui conduisent à des approximations souvent efficaces, mais faillibles. Elles permettent notamment de simplifier les problèmes (Yachanin et Tweney, 1982). Elles reposent en général sur un traitement partiel des informations disponibles mais leur emploi fréquent au quotidien tient à leur fonction de simplification des problèmes, de réduction de l’incertitude et au fait qu’elles permettent de proposer des réponses socialement acceptables (Drozda-Senkowska, 1997). »

Les sceptiques, dits aussi zététiciens en France, sont sensibilisés aux biais cognitifs et aux illusions, car leur existence permet d’expliquer des phénomènes réputés paranormaux, des comportements, et sont parfois utilisés (consciemment ou non) par les pseudo-sciences pour induire en erreur.
Les paréidolies sont à l’origine d’interprétations mystiques, comme l’apparition (la perception) de la Vierge Marie sur un mur (ou de Jésus Christ sur un toast), ou de certains phénomènes OVNI. La négligence de la taille de l’échantillon est l’une des erreurs commises par les opposants à la vaccination. L’effet de validation subjective (dit Barnum ou Forer) est souvent utilisé par les astrologues ou les médiums, leur donnant une illusion de clairvoyance.

En psychologie sociale, les heuristiques ne sont pas perçues comme des erreurs, car elles répondent, généralement efficacement, à des situations et des objectifs. Nous ne pouvons pas condamner une personne pour être victime d’un biais, c’est un phénomène naturel auquel nous sommes tous soumis. Tout au plus peut-on lui en expliquer le mécanisme. Le scepticisme nécessite aussi de s’efforcer à repérer nos propres biais de raisonnement avant de mettre en avant ceux des autres.

Le but du présent billet n’est pas d’approfondir théoriquement la vulgarisation des biais cognitifs.

Les zététiciens mis à l’épreuve

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Cessons « l’appel à
Dunning-Kruger »

Les références à l’effet Dunning-Kruger ne cessent de nous délecter d’une délicieuse ironie de situation, récemment à nouveau marquée par la vidéo de Konbini à son propos, qui reprend les concepts dont l’origine me reste mystérieuse de « montagne de la stupidité » et de « vallée de l’humilité », le tout présenté par un journaliste qui serait spécialisé dans les fake news, mais qui aurait pu prendre le temps de se renseigner pour ne pas lui-même tomber dans ce qu’il voulait, à juste titre, dénoncer chez les anti-masques.
L’objet de ce billet n’étant pas en soit de vulgariser l’effet Dunning-Kruger, je vous propose pour cela l’infographie sourcée de Florence Dellerie alias Questions animalistes.

L’effet Dunning-Kruger est facilement brandi pour se moquer des personnes qui diraient des bêtises en maitrisant beaucoup moins bien un sujet qu’elles ne le pensent, en supposant donc soi-même mieux maitriser le sujet qu’elles. Mais cela prend généralement la forme d’une vision populaire surestimant elle-même sa compréhension de l’effet de Dunning-Kruger, en se basant sur une représentation graphique dont nous ne connaissons pas l’origine et qui laisse penser que les débutants se croiraient meilleurs que les experts :

Or à aucun moment les graphiques Dunning-Kruger n’indiquent qu’en moyenne les amateurs plus ou moins avancés ne se penseraient meilleurs que les experts. Les moins bons surestimeraient simplement davantage que les meilleurs le niveau de certaines de leurs capacités. Cette différence entre le classement réel des participants (en gris) et le classement qu’ils attendent d’eux-mêmes (en noir) diminue à mesure que leur performance augmente, tel que les meilleurs en viennent même à légèrement se sous-estimer :

Un point important concernant cette « surestimation des compétences » : dans Kruger et Dunning (1999), ce n’est pas leurs performances en elles-mêmes que des individus surestiment, mais le niveau de leurs performances par rapport à celles des autres, ce qui peut faire penser à l’effet « better-than-average » (supériorité illusoire).

La complexité et les extrapolations abusives de l’effet Dunning-Kruger, et de ses interprétations, ne s’arrêtent pas là, comme vous pourrez le découvrir dans la vulgarisation critique de Sceptom, qui pointait déjà l’objet de ce billet il y a plus de 6 ans, dans le fil Twitter de BunkerD, ou encore dans ce récent article scientifique envisageant l’effet Dunning-Kruger comme un artefact statistique.

Même si tout cela n’empêche pas l’existence, par ailleurs, de divers phénomènes pouvant mener à de la surconfiance, je propose donc que nous pensions tous à considérablement réduire notre « appel à Dunning-Kruger ».

Pour finir je souhaite faire un petit point méthodologie en vous mettant en garde concernant lorsque vous regardez et interprétez un graphique : les angles, les amplitudes, et les espaces entre les courbes que vous pouvez observer sont totalement dépendants des choix de graduations, et des mêmes données peuvent ainsi être représentées visuellement de manières qui nous donnent envie de les interpréter différemment. Les intéressés pourront regarder cette vidéo de Nicolas Gauvrit ou lire cet article des Décodeurs. Alors ne vous y méprenez pas, un simple graphique ne sera jamais suffisant à vous indiquer si une différence est significative ni la taille de l’effet qu’il représente. Ici, comme sur le trompeur graphique populaire, je n’ai pas pris la peine de mettre de graduation, et j’aurais tout à fait pu vous faire une courbe plus plate ou au contraire plus verticale que celle-ci :

Le véritable effet Dunning-Kruger.
Surestimation des performances estimées comparativement à celles des autres participants, en fonction des performances réelles réalisées.

La pensée sceptique scientifique

« Le scepticisme valorise la méthode au-dessus de toute conclusion particulière. »

Steven Novella.

Si on ne peut nier l’intérêt que des sceptiques scientifiques portent envers les scepticismes en philosophie, tant en France (Durand, 2015, 2016; Richard, 2015) qu’à l’international (Blumenfeld, 1998; Carroll, 2015), il convient d’éclairer les pensées des sceptiques scientifiques avant de pouvoir les comparer à celles des philosophes. Quatre exemples vont ici servir à commencer d’explorer le sujet : deux anglophones (The Skeptics Society et The New England Skeptical Society) et deux francophones (Les Sceptiques du Québec et Bunker D).

The Skeptics Society
 

The Skeptics Society est une association sceptique scientifique aujourd’hui à portée internationale et éditrice de la revue Skeptic. L’association a été fondée en 1992 par Michael Shermer. De son ouvrage Why People Believe Weird Things: Pseudoscience, Superstition, and Other Confusions of Our Time, paru en 1997 puis révisé en 2002, est tiré le Skeptical Manifesto de l’association.

Ce Manifeste Sceptique s’attèle notamment à définir sa pensée comme une combinaison d’un scepticisme et d’un rationalisme, puis à traiter du lien entre le scepticisme rationnel et les sciences.

En combinant sa conception du sceptique qui est défini comme « One who doubts the validity of what claims to be knowledge in some particular department of inquiry. », et de ce qui est rationnel en tant que « A statement of some fact employed as an argument to justify or condemn some act, prove or disprove some assertion, idea, or belief. », le manifeste de la Skeptics Society propose de définir le tenant du scepticisme scientifique comme un sceptique rationnel : « One who questions the validity of particular claims of knowledge by employing or calling for statements of fact to prove or disprove claims, as a tool for understanding causality. »

Le sceptique scientifique serait celui qui, sans douter de la possibilité de connaitre en elle-même, questionne la validité de certaines affirmations, en demandant des faits pour prouver qu’il s’agit de connaissances, ou en présentant soi-même des faits pour remettre en cause les affirmations. Le sceptique demande qu’on lui montre, qu’on lui prouve. Même avant de se pencher sur les explications d’un phénomène, il convient de s’assurer de son existence. Le sceptique doit aussi être capable de douter de lui-même, sans compter uniquement sur la critique organisée du groupe. Il ne cesse jamais de rechercher la connaissance. Si le terme rationalisme est mis en avant, on note néanmoins davantage d’insistance sur l’importance de l’observation et l’expérience.
 

Objectifs de la Skeptics Society

La Skeptics Society est une organisation scientifique et éducative à but non lucratif dont la mission est :

  • D’engager les meilleurs experts dans l’investigation du paranormal, de la science marginale, de la pseudo-science et des revendications extraordinaires de toutes sortes.
  • De promouvoir la pensée critique et de servir d’outil éducatif pour ceux qui cherchent un point de vue scientifique solide, en espérant contribuer à la curiosité de tous les individus tout au long de leur vie.
  • De collaborer avec des experts de premier plan dans leur domaine – scientifiques, universitaires, journalistes d’investigation, historiens, professeurs et enseignants.
The New England Skeptical Society
 

Steven Novella préside la New England Skeptical Society qu’il a fondée en 1996. Dans Skeptic – The Name Thing Again, il propose une définition du scepticisme scientifique (expression qu’il fait remonter à Carl Sagan comme construite pour le distinguer du scepticisme philosophique) qu’on peut retrouver acceptée et reprise notamment par le Skeptics in the Pub de Oxford :

« A skeptic is one who prefers beliefs and conclusions that are reliable and valid to ones that are comforting or convenient, and therefore rigorously and openly applies the methods of science and reason to all empirical claims, especially their own. A skeptic provisionally proportions acceptance of any claim to valid logic and a fair and thorough assessment of available evidence, and studies the pitfalls of human reason and the mechanisms of deception so as to avoid being deceived by others or themselves. Skepticism values method over any particular conclusion. » (Novella, 2008)

Ici le sceptique est présenté comme celui se refusant aux croyances simplement les plus confortables, en y préférant celles validées par des méthodes scientifiques. Les croyances du sceptique sont provisoires et construites selon un examen approfondi des preuves disponibles. Pour le sceptique, la méthode est plus importante que la conclusion, et son scepticisme doit s’appliquer en premier lieu à ses propres croyances. C’est pourquoi il étudie certes les mécanismes avec lesquels autrui peut le tromper, mais aussi les pièges de sa propre raison humaine. Ce scepticisme se porte sur les affirmations empiriques.  
Novella souhaite le développement du scepticisme scientifique en tant que discipline, comprenant à la fois une connaissance des sciences, de leurs méthodologies, épistémologies (en les distinguant des pseudo-sciences), de la logique (pour se prémunir des sophismes), et de la psychologie humaine, avec les limites de ses perceptions et de ses heuristiques de pensée. Bien que sa définition du scepticisme se centre sur le rapport qu’a le sceptique à sa propre connaissance, un but militant et pédagogique est assumé.
 

Objectifs de la NESS

La New England Skeptical Society a été fondée le 1er janvier 1996 en tant qu’organisation à but non lucratif avec les objectifs suivants :

  • Éduquer le public sur les principes et la nécessité du scepticisme et de la pensée critique dans notre société.
  • Examiner les revendications paranormales et pseudoscientifiques en mettant l’accent sur les revendications locales en Nouvelle-Angleterre.
  • Promouvoir des normes d’éducation plus élevées, en particulier dans les domaines de la science et de la pensée critique.
  • Rassembler et diffuser des informations susceptibles d’intéresser les sceptiques.
  • Offrir aux sceptiques un forum pour publier leurs idées et contribuer au dialogue permanent sur les sujets sceptiques.
  • Faire pression en faveur d’une législation rationnelle.

The Proper Targets of Skepticism

Dans cet article, Steven Novella (2004) assume que les sceptiques ont pour objectif d’influencer l’opinion publique concernant le rôle essentiel de la science dans la société, la nécessité d’éduquer à l’esprit critique, et de protéger l’institution scientifique de l’intrusion politique, sociale ou religieuse.
En éduquant sur des croyances paranormales et pseudo-scientifiques, il s’agit aussi d’apporter des informations fiables sur lesquelles pourront se baser les législations et politiques publiques.

S’il faut de fait traiter des sujets importants pour la société contemporaine, les sceptiques traitent d’une large gamme de revendications paranormales et pseudo-scientifiques, qui aussi absurdes puissent-elles paraître, peuvent servir de support à l’enseignement de la logique et de la pensée critique. Quelles que soient nos croyances, nous tendons à tous tomber dans les mêmes biais, illusions, et erreurs argumentatives. De fait, « disséquer les arguments de n’importe quel système de croyance, même les plus stupides, est très utile pour découvrir les erreurs logiques et la nature de la croyance elle-même ». Les croyances bizarres, qui ont en plus l’avantage de susciter la curiosité, servent ainsi de support pédagogique nous préparant aux enjeux ayant plus d’importance sociale.

« Pour les sceptiques, le but est de devenir un meilleur sceptique ». Le sceptiques doit être capable d’expliquer pourquoi certaines croyances ne sont pas susceptibles d’être vraie, en repérer les erreurs logiques les plus subtiles mais aussi en sachant précisément pourquoi elles ne sont pas valables. Comment sinon le distinguer du négateur ou du fanatique ? Le sceptique doit connaitre les sujets paranormaux et pseudo-scientifiques pour pouvoir citer des faits bien référencés.

Le sceptique se concentre sur les sujets qui :

  • ont un impact sur la société ou la vie des individus (créationnisme, pseudo-médecines, etc.)
  • relèvent de croyances très répandues, et dont la déconstruction permet d’illustrer à quel point la mésinformation est courante et ignorée
  • permettent d’escroquer les individus, en profitant de leur désespoir et de leur manque de formation
  • ne sont pas déjà en train de mourir d’eux-mêmes, au risque de leur faire de la publicité
Les Sceptiques du Québec
 

Philippe Thiriart (1991), pour exposer Le scepticisme des Sceptiques du Québec, estime que le scepticisme peut être compris de quatre façons :

  • Un doute absolu qui risque le relativisme : ce scepticisme-là ne les caractérise pas.
  • Un refus de croire à des phénomènes en ne s’y intéressant pas : au contraire, le sceptique s’intéresse aux phénomènes, tel qu’il se veut généralement bien renseigné, quand bien même il en ressorte une critique quant aux affirmations que certains peuvent faire sur ces phénomènes.
  • La capacité de distinguer ses croyances (quelles qu’elles soient) de ses connaissances, en questionnant ses croyances plutôt que de chercher à tout prix à les répandre : cette définition semble mieux convenir.
  • Et pour finir, le sceptique scientifique serait celui qui examine objectivement les affirmations réputées paranormales indépendamment de ses propres croyances.

Les Sceptiques du Québec sont présentés tels « des chercheurs et des diffuseurs d’informations objectives. ».
 

Objectifs des Sceptiques du Québec

L’association Les Sceptiques du Québec a été fondée en 1987. Sur son site internet, une page est explicitement dédiée à décrire les Mission et rôle des Sceptiques du Québec.

On y retrouve des points régulièrement évoqués par les associations sceptiques : promouvoir la « pensée critique » et la « rigueur scientifique », et cela « dans le cadre de l’étude d’allégations de nature pseudoscientifique, religieuse, ésotérique ou paranormale ».

L’association se décrit néanmoins comme ne prenant pas position sur les phénomènes inexpliqués, mais comme souhaitant par une attitude de questionnement faire progresser la connaissance et distinguer ce qui relève de la croyance, de l’opinion ou de la connaissance. Son objet porte sur les éléments observables, ce qui exclurait les « conceptions métaphysiques ou religieuses ».        
L’association veut encourager la recherche sur les phénomènes inexpliqués, à la condition d’un sérieux méthodologique.

« De fait, le scepticisme des Sceptiques du Québec s’apparente au doute méthodique qui est un ingrédient essentiel au succès de la méthodologie utilisée en recherche scientifique. »

Bunker D
 

Je propose de finir cette présentation par la pensée exprimée par Bunker D (2015), dans son article « Je suis un sceptique. ».  À nouveau, le scepticisme du sceptique scientifique n’est pas un doute permanent reniant la possibilité de connaitre. Ce n’est pas non plus être fermé d’esprit, refuser de croire à priori à quoi que ce soit. Car le scepticisme scientifique n’est pas une position mais un processus, « une méthodologie d’approche des affirmations et des faits quels qu’ils soient (en particulier les plus surprenants) ».

Si le scepticisme est aussi « un mouvement militant et humaniste », sa philosophie et méthodologie pourrait être résumée en deux principes :

  • La suspension du jugement, pour se prémunir du dogmatisme en examinant une affirmation sans a priori quant à sa véracité, quand bien même elle semble ne pas s’accorder avec les paradigmes scientifiques actuels. 
  • La recherche objective et raisonnée d’une conclusion fiable, à l’aide d’une méthode scientifique ou en enquêtant sur les origines d’une affirmation, en faisant attention aux paralogismes. Bunker D propose une traduction de la définition du scepticisme scientifique faite par Brian Dunning sur son blog Skeptoid : « Le scepticisme est le procédé d’application de la raison et de l’esprit critique pour établir la validité d’un propos. C’est le procédé consistant à dégager une conclusion étayée, et non à justifier une conclusion préconçue. ».

Bunker D semble donc ici proposer une version de la « suspension du jugement », concept provenant de la philosophie pyrrhonienne et déjà redéfini dans l’ethos de Merton, comme un des piliers du scepticisme scientifique auquel il adhère.
 

Objectifs de Bunker D

En septembre 2015, à la suite de son article « Je suis un sceptique. », Bunker D propose un second billet intitulé Le combat sceptique : Pourquoi lutter ?, dans lequel il souhaite expliciter les raisons de son combat.
« Pourquoi le scepticisme ? Pourquoi un tel engagement ? Pourquoi passer mes heures libres à tenter de prévenir, informer, révéler les sophismes, souligner les biais ? Pourquoi m’acharner à disserter de la validité de tel ou tel argumentaire ? » De manière générale, qu’est-ce qui motive ce qu’en tant que sceptique il perçoit comme un « engagement » ?

Bunker D rapporte se raconter à lui-même que c’est pour « l’importance du vrai », la promotion de la méthode scientifique, et bien sûr pas parce qu’il serait payé ou par plaisir de s’en prendre aux croyances d’autrui. On ne doutera pas que ce n’est pas par plaisir de l’opposition, connaissant par ailleurs le harcèlement intrusif qu’il a pu subir à cause de son travail en tant que sceptique. Mais son combat, il ne peut plus l’arrêter, « c’est une question de devoir ».

L’objectif donc ? Espérer participer à diminuer les conséquences lourdement néfastes que peuvent avoir les croyances infondées et les charlatanismes, sur la société et sur les individus. Son objectif, bien qu’étant sociétal, est moral. Il appuie l’importance de son engagement en donnant des exemples de morts causées par des prétentions pseudo-médicales évitables, puis de conséquences d’autres croyances et charlatanismes, y compris en coût humain, et alors que des sceptiques avaient essayé de prévenir la situation.

Le mouvement sceptique serait ainsi motivé par un objectif pédagogique, didactique, social, la volonté d’apprendre à se protéger et d’aider à protéger les autres. Si l’immensité du travail qu’il reste perpétuellement à faire peut s’avérer décourageante, celui-ci est aussi enrichissant.

C’est par ses propos que j’ai choisi de clore mon travail de recherche de Master 1.

« Surtout, quand j’envisage de jeter l’éponge, il y a les victimes directes ou non, passées, présentes et futures. Si ce n’est pas pour elles que j’ai commencé, c’est pour elles que, toujours, je continue. »

Bunker D.
 

En savoir plus

Bunker D. (2015, 7 septembre). “Je suis un sceptique.” Bunker D. https://www.bunkerd.fr/je-suis-un-sceptique/

Bunker D. (2015, 8 septembre). Le combat sceptique : Pourquoi lutter ? Bunker D. http://www.bunkerd.fr/scepticisme-pourquoi-lutter/

Les Sceptiques du Québec. Mission et rôle. https://www.sceptiques.qc.ca/association/mission

Novella, S. (2004, mai). The Proper Targets of Skepticism. The New England Skeptical Society. https://theness.com/index.php/the-proper-targets-of-skepticism/

Novella, S. (2008, 17 novembre). Skeptic – The Name Thing Again. Skepticblog. https://www.skepticblog.org/2008/11/17/skeptic-the-name-thing-again/

Shermer, M. (1997). A Skeptical Manifesto. Skeptic. https://www.skeptic.com/about_us/manifesto/

Thiriart, P. (1991). Le scepticisme des Sceptiques du Québec. Québec Sceptique, 16/17, 3‑4. https://www.sceptiques.qc.ca/ressources/revue/articles/qs16p3

À lire aussi

Marty, M. (2020). Zététique, scepticisme et compagnie. Épistémax. https://epistemax.com/scepticisme/zetetique/

Marty, M. (2020). Charge de la preuve et Pseudo-scepticisme. Épistémax. https://epistemax.com/scepticisme/pseudo-scepticisme/

Le Comité Para

C’est en étant officialisée en 1949 sous le nom de Comité belge pour l’investigation scientifique des phénomènes réputés paranormaux que naquit la première association de scepticisme scientifique, toujours active aujourd’hui et que nous connaissons sous l’appellation Comité Para.
Bien que certains mentionnent parfois comme première association ayant une pensée sceptique la Vereniging tegen de Kwakzalverij néerlandaise, qui lutte contre les charlatanismes pseudo-médicaux depuis 1881, c’est le Comité Para qui servit d’exemple pour la formation en 1976 du Committee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal (CSICOP), plus connu désormais sous le nom de Committee for Skeptical Inquiry (CSI).

Pour comprendre l’identité d’un mouvement et d’une philosophie il peut être important de revenir à ses origines et d’en retracer l’histoire. Pour cela un article (écrit en anglais) laissé derrière lui par le Professeur Jean Dommanget (1924–2014) (1993), ancien président de l’association, nous renseigne sur la création du Comité, et sur son histoire au-delà de l’époque que je vais traiter ici. Je remercie aussi Jeremy Royaux, actuel président du Comité Para, de m’avoir transmis « Les souvenirs d’un membre fondateur sur la création du Comité », chapitre écrit par le Professeur Paul M. G. Lévy (1910-2002) pour un ouvrage collectif du Comité Para (Dommanget et al., 1999). Ceux souhaitant en savoir plus sur l’histoire et la raison d’être du scepticisme scientifique pourront lire le travail déjà réalisé en anglais par Daniel Loxton (2013) pour The Skeptics Society, ainsi que l’ouvrage fondateur de Martin Gardner (1957), celui de Donovan Hilton Rawcliffe (1952), et avant eux celui de Daniel Webster Hering (1924).
 

Le commencement du scepticisme scientifique

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Zététique, scepticisme et compagnie

« A wise man, therefore, proportions his belief to the evidence. »

David Hume.

Les mouvements de défense et de promotion d’une pensée scientifique et rationnelle relèvent d’une longue histoire ancrée socialement et politiquement, avec une volonté de représenter les sciences et de lutter contre tout ce qui pourrait injustement leur nuire ainsi qu’à la population.

Ces dernières années, de nouveaux médiateurs scientifiques ont remporté l’adhésion d’un large public en produisant des contenus web pour vulgariser des notions d’épistémologie, de méthodologie et d’esprit critique, sous l’étendard du « scepticisme scientifique », un mouvement international apparu au 20ème siècle en réponse au développement de croyances pseudo-scientifiques, et se faisant connaitre en France sous le nom « zététique ».

Cette zététique se structure autour d’organisations, qui mettent en avant et s’identifient au travers de deux concepts : le scepticisme (dit scientifique) et l’esprit (ou pensée) critique, tel qu’il semble qu’on puisse aujourd’hui approcher la zététique sous trois angles :

  • en tant que philosophie, ou position épistémologique,
  • en tant que didactique d’un certain esprit critique,
  • en tant que mouvement.

Dans sa thèse en didactique des sciences sous la direction d’Henri Broch, Richard Monvoisin (2007), qui tient l’enseignement « zététique et autodéfense intellectuelle » à l’Université Grenoble Alpes, dans des cours rendus publics en vidéos sur YouTube, écrit :

« Le terme zététique, au sens moderne, désigne la méthode, la démarche critique proprement dite, là où le scepticisme offre la posture épistémologique. D’une manière un peu simpliste, nous tendons à dire que le scepticisme est la posture philosophique dont la zététique est le bras outillé. » (Monvoisin, 2007, p. 22)
 

Certains peuvent penser que le terme « zététique » aurait été inventé par le sceptique scientifique Henri Broch. Mais même avant l’emploi du terme « zetetic » au 20ème siècle par le sceptique scientifique Marcello Truzzi dénonçant les dérives d’un « pseudoskepticism » , le terme « zététique » a régulièrement (bien que pas fréquemment) été employé au cours de l’histoire philosophique (Kant, 1765) et scientifique (Viète, 1593), et ce depuis l’Antiquité où notamment les adeptes de la philosophie de Pyrrhon étaient parfois qualifiés de « skeptikoi » (ceux qui investiguent), de « aporētikoi » (ceux qui doutent et révèlent les impasses), de « ephektikoi » (ceux qui suspendent), mais aussi de « zētētikoi » (ceux qui cherchent) suivant la voie de la « zētētikē » (du questionnement).
Il n’est ainsi pas nouveau qu’un « zététicien » puisse être synonyme d’un « sceptique », malgré les évolutions des différentes conceptions du scepticisme au cours des siècles.

Occurrences de « zetetikoi » dans le Thesaurus Linguae Graecae (Floridi, 2002)

Ressources traitant des divers usages terminologiques par des écoles philosophiques au cours de l’Antiquité :
· Alcalá, R. R. (2021). Los nombres del escepticismo antiguo : Aporētikoí, Ephektikoí, Pyrrhōneioi, Skeptikoí y Zētētikoí. Anales del Seminario de Historia de la Filosofía, 38(3), 431‑439.
· Brunschwig, J., & Lloyd, G. (2000). Greek Thought : A Guide to Classical Knowledge. Harvard University Press.
· Floridi, L. (2002). Sextus Empiricus : The Transmission and Recovery of Pyrrhonism. Oxford University Press.
· Trowbridge, J. (2004). Skepticism and pluralism : Ways of living a life of awareness as recommended by the Zhuangzi [University of Hawai’i].
· Ziemińska, R. (2013). Historia sceptycyzmu : W poszukiwaniu spójności. Wydawnictwo Naukowe Uniwersytetu Mikołaja Kopernika.
 

Le « scepticisme »

Si l’on parle parfois d’hygiène préventive du jugement ou encore d’autodéfense intellectuelle, c’est néanmoins sous le terme de « sceptiques » que s’identifient aujourd’hui la majeure partie des acteurs contemporains intéressés par le mouvement international du scepticisme scientifique. C’est donc la notion de scepticisme, loin d’être dépourvue d’histoire en philosophie, qui est principalement mise en avant. Il convient alors de se demander à quoi fait référence ce « scepticisme » dit « scientifique ».

On peut penser à la norme scientifique du scepticisme organisé, qui est décrite en sociologie par Robert King Merton en 1942, exprimant que les scientifiques ne sont prêts à accepter des résultats qu’après un examen critique approfondi de la communauté auquel chacun doit se soumettre, en tant qu’acteur à la fois participant à et recevant la critique.
Mais le scepticisme scientifique dont nous parlons ici, bien qu’il comporte de nombreux universitaires de diverses disciplines, y compris dans son histoire, est désormais un mouvement populaire auquel tous peuvent participer.

Le mot « sceptique » est aussi employé couramment, et nous pourrions penser que le scepticisme scientifique serait un scepticisme envers les sciences, tel qu’on peut le retrouver encore aujourd’hui par exemple chez les mouvements dits climato-sceptiques.
Mais c’est plutôt pour la promotion de la science, et en opposition à ces mouvements, que se placent les mouvements de scepticisme scientifique, qui préfèrent de fait, pour éviter les confusions, que le terme climato-scepticisme soit remplacé par celui de climato-négationnisme, ou de climato-dénialisme comme le fait François-Marie Bréon (2019) dans un article pour l’Afis.
Le scepticisme scientifique ne serait ainsi non pas un scepticisme niant l’existence de preuves (evidence en anglais, données probantes), mais plutôt un scepticisme à la légitimité difficilement contestable car il aurait lieu face à un manque de preuves quand celles-ci sont jugées insuffisantes par la communauté scientifique.

Pour finir, le scepticisme est une position philosophique remontant à l’Antiquité, et ayant connu diverses interprétations et variations jusqu’à aujourd’hui, relevant notamment du pyrrhonisme (un scepticisme antique), ou du fort différent doute cartésien (parfois considéré à postériori comme un scepticisme dit méthodologique).
Même s’il existe de la diversité au sein des mouvements de scepticisme scientifique, celui-ci peut se réclamer en tant que posture épistémologique, portée sur une méthode scientifique et une démarche critique qui sont mises en place face aux connaissances et informations qui lui sont présentées. Mais nous y retrouvons aussi le concept antique de « suspension du jugement », qui est par exemple le titre du live organisé le 1er avril 2020 par La Tronche en Biais, et réunissant avec eux le Chat sceptique, Mr. Sam, et Richard Monvoisin (qui rappelle sur le site de l’Observatoire Zététique l’origine pyrrhonienne du terme zététique).
Le scepticisme scientifique -alias zététique- n’est pourtant pas un courant philosophique, et ses reprises terminologiques n’expriment qu’une vague et partielle filiation.

Lors du congrès 2022 de l’European Council of Skeptical Organisations, Massimo Pigliucci, philosophe stoïque et sceptique, membre du Committee for Skeptical Inquiry, lors de sa présentation intitulée « Skepticism as a way of life », choisit de présenter le scepticisme scientifique à l’aide des citations suivantes :

« Briefly stated, a skeptic is one who is willing to question any claim to truth, asking for clarity in definition, consistency in logic, and adequacy of evidence. » – Paul Kurtz in The New Skepticism, 1992, p.9

« The question is not whether we like the conclusion that emerges out of a train of reasoning, but whether the conclusion follows from the premises or starting point and whether that premise is true. » – Carl Sagan in The Demon-Haunted World, 1995, p.197
 

La zététique contemporaine

Il serait difficile de produire un contenu exhaustif et correspondant à la vision de chacun du scepticisme (philosophie, communauté, militantisme, etc.), mais le podcast ci-dessous est facilement accessible (20 minutes) et pertinent pour soulever la question : « Qu’est-ce que la zététique ? La zététique a-t-elle un contenu spécifique ? ».

Le podcast est surtout tourné vers un état des lieux de ce qu’on peut le plus trouver sous le terme zététique aujourd’hui et ne mentionne pas la réutilisation du terme zetetic par Marcello Truzzi du mouvement skeptic états-unien avant qu’il ne soit réapproprié par Henri Broch en France. Pour l’histoire du mouvent sceptique et son lien avec les parasciences vous pouvez vous tourner vers mon article consacré au Comité Para. Pour en savoir plus sur les scepticismes en philosophie, vous pouvez écouter les épisodes #99 et #369 du podcast Scepticisme Scientifique.

À lire aussi :                         · La pensée sceptique scientifique.
· Charge de la preuve et Pseudo-scepticisme.

En fait, le podcast s’affaire surtout à expliquer ce que la zététique n’est pas :

  • Ce n’est pas l’étude scientifique du paranormal, ni de quoi que ce soit d’ailleurs, une confusion provenant des écrits d’Henri Broch voulant appliquer la pensée critique à des exemples paranormaux, supposément faciles à démystifier pour ensuite transférer les compétences acquises à d’autres sujets. L’étude de l’étrange est des croyances est déjà l’affaire de disciplines existantes : parapsychologie, anthropologie, histoire, psychologie anomalistique, folkloristique. Les gens se réclamant de la zététique se contentent souvent de faire de la vulgarisation de psychologie anomalistique.
  • Mais ce n’est pas non plus la pensée critique, qui n’est pas un état que l’on peut atteindre. C’en est peut-être une quête, mais qui ne serait pas basé sur un ensemble de contenus et de positions consensuels, constants et clairement identifiables. Les positions doivent évoluer avec les connaissances. On peut rajouter au podcast que la pensée critique est déjà un sujet d’étude de la didactique des sciences, et que les recherches relatives au sujet ne mentionnent qu’extrêmement peu le terme zététique.
  • On pourrait se dire que la zététique serait une pédagogie spécifique de l’esprit critique, conceptualisation déjà très différente de celles mentionnées précédemment et peut-être celle d’Henri Broch selon Jean-Michel Abrassart : les principes en seraient l’apprentissage des sophismes et l’utilisation du paranormal comme outil pédagogique. Mais en réalité la plupart des sceptiques ne sont pas accrochés à une pédagogie spécifique de l’esprit critique, c’est l’enseigner de manière générale qui les intéresse, tel que la philosophie a pu déjà le faire.

Les contenus que l’on attribue à la zététique appartiennent en fait souvent à d’autres disciplines. Philosophie, logique, épistémologie, pédagogie, psychologie cognitive, parapsychologie. Si on imaginait cela comme des contenus spécifiques de la zététique celle-ci ne ferait que « phagocyter » ou du moins voler des contenus de disciplines scientifiques légitimes sans en être une elle-même.

Le scepticisme, ou la zététique en tant que terme francophone se rapportant à ce dernier, est avant tout non pas une philosophie et encore moins une discipline, ce n’est pas non plus l’étude scientifique du paranormal, mais un mouvement porté par des organismes et des communautés plus ou moins formelles. Un mouvement militant et de protection des consommateurs (par exemple en souhaitant le déremboursement de l’homéopathie, objectif récemment acquis en France, ou le bannissement des prises en charge pseudoscientifiques de l’autisme). La création même du Comité Para était d’avantage une posture militante de protection des individus face aux prétentions des radiesthésistes, que réellement une posture d’étude du paranormal. Les acteurs de ce mouvement organisent des actions et produisent généralement des contenus de vulgarisation, tandis que seulement quelques-uns font un travail innovant de recherche : Jean-Michel Abrassart publiant notamment dans des revues d’ufologie, Serge Bret-Morel spécialiste de l’astrologie, Richard Monvoisin, etc.
Si des organismes de zététique existent toujours pour proposer aux individus de venir tester leurs capacités extraordinaires en se confrontant à des protocoles scientifiques, on constate en pratique que cela, qui nécessite du temps, des moyens et des volontaires, se fait très peu.

Pour finir Jean-Michel Abrassart propose la définition suivante de la zététique, comme équivalent francophone du scepticisme scientifique (il note au passage qu’aux États-Unis personne ne se pose la question de savoir si c’est une discipline ou si le scepticisme a un contenu spécifique, c’est une ambiguïté purement française tandis que dans le monde anglosaxon il est clair pour tous que c’est un mouvement) :

« La zététique est une communauté de pensée qui regroupe non seulement des gens qui s’intéressent aux mêmes sujets, mais le font avec une vision des choses similaire, afin qu’ils puissent construire ensemble des savoirs. Ils s’intéressent particulièrement à la promotion de la pensée critique, à la vulgarisation de la science et de la philosophie et à l’étude scientifique du paranormal. » (Abrassart, 2019)
 

Le scepticisme scientifique ne doit pas être confondu avec une attitude suspicieuse niant des connaissances ou la possibilité même de connaitre. Pour la critique et le développement des connaissances, il convient de rechercher un idéal scientifique, donc épistémologique et méthodologique. Questionner les preuves n’implique pas de douter de celles qui nous offrent un niveau de certitude élevé : douter implique simplement que nous demandions les preuves des affirmations de chacun.
 

Le bazar terminologique

Le paysage sceptique scientifique est varié et ne se concentre pas uniquement sur la notion de scepticisme, et les terminologies utilisées au sein du mouvement francophone sont discutées.

Certains, comme Bunker D (position développée en commentaire de l’article « Je suis un sceptique. ») préfèrent restreindre le terme « zététique » à ce qu’ils conçoivent comme son sens originel brochien d’étude scientifique du paranormal, puis de didactique d’« esprit critique », se servant du paranormal comme support pédagogique au développement d’un « art du doute » conçu comme un processus de scepticisme provisoire (Broch, 2019). Cela permettrait d’éviter au passage le développement d’un terme pouvant paraître davantage mystérieux et groupusculaire que celui de « scepticisme », et qui participe peut-être aux faibles liens qu’entretient le mouvement français avec la communauté internationale et ses activités.

D’autres, comme on peut le trouver sur les sites de l’Observatoire Zététique et du Cortecs, accepteront, sans chercher à faire de distinction, de parler d’« hygiène préventive du jugement » ou d’« autodéfense intellectuelle », termes associés respectivement à Jean Rostand et Noam Chomsky.

On se retrouve ainsi à constater des usages indifférenciés des termes de scepticisme et d’esprit critique, concepts ayant pourtant leurs propres histoires distinctes en philosophie, mais aujourd’hui populairement réutilisés à toutes les sauces. Ces usages confondus et mal définis, où chacun semble avoir sa définition de ce qu’est la « zététique », quand bien même elle puisse se réclamer du scepticisme scientifique, amènent des sceptiques comme Bruno J. S. Lesieur (2019) à explicitement poser la question : Zététique ou Autodéfense intellectuelle ?.

Des désaccords peuvent se présenter sur les définitions mais aussi sur les objectifs du scepticisme scientifique, notamment son implication sur des thématiques sociétales. Le sceptique en tant que tel peut-il se prononcer politiquement et idéologiquement ? Sortir du cadre purement scientifique, avec par exemple l’éducation critique aux médias, relève-t-il toujours du scepticisme scientifique ou de la zététique ?
Steven Novella (2013), pour répondre à une crise identitaire du mouvement, propose notamment de distinguer :

  • Le scepticisme scientifique comme l’application d’une philosophie sceptique, de compétences de pensée critique, et de connaissances quant aux méthodes scientifiques, tout en restant neutre concernant les affirmations non empiriques sans impact sur les sciences.
  • La promotion d’une société laïque ou agnostique avec une approche critique des religions.
  • Le rationalisme comme une combinaison des deux en faisant la promotion d’une pensée critique sur tous les sujets et dans toutes les sphères de la société.


Le scepticisme scientifique est un mouvement international dont les philosophies et objectifs peuvent varier y compris au sein d’une même communauté. Le sceptique demande, pour accepter des affirmations comme des connaissances, qu’elles soient soutenues par des preuves empiriques, dans une démarche qui se réclame de la pensée critique et de la méthode scientifique. Si le sceptique scientifique doit éviter tout dogmatisme et être prudent envers ses propres croyances, sa démarche de doute est un outil provisoire pour s’assurer de la véracité ou non des croyances en examinant l’état des connaissances sans à priori, et sans nier la possibilité de connaitre ni rejeter des résultats obtenus via une démarche scientifique. Le sceptique ne rejette ainsi pas ce qui lui est étrange sans prendre le temps de l’investiguer. En mettant l’accent sur la méthode et en se réclamant d’un rationalisme, le sceptique peut élargir son cadre d’examen au-delà des sujets purement scientifiques.
 

En savoir plus

Abrassart, J.-M. (2019, 11 août). Qu’est-ce que la zététique ? La zététique a-t-elle un contenu spécifique ? https://www.youtube.com/watch?v=sKnN9_SUDBs

Bréon, F.-M. (2019, 23 février). Le climato-dénialisme n’est pas mort. Afis Science. https://www.afis.org/Le-climato-denialisme-n-est-pas-mort

Broch, H. (2019). La zététique ou l’art du doute. Tangente, 187. https://www.afis.org/La-zetetique-ou-l-art-du-doute

Bunker D. (2015, 7 septembre). “Je suis un sceptique.” Bunker D. https://www.bunkerd.fr/je-suis-un-sceptique/

La Tronche en Biais. (2020, 1 avril). La suspension du jugement (Conjuration Open Source #4). https://www.youtube.com/watch?v=r_0sFcRDkAE

Lesieur, B. J. S. (2019, 17 juillet). Zététique ou Autodéfense intellectuelle ? LinkedIn. https://www.linkedin.com/pulse/zététique-ou-autodéfense-intellectuelle-bruno-j-s-lesieur/

Merton, R. K. (1942). Science and technology in a democratic order. Journal of legal and political sociology, 1(1), 115-126.
 Ré-édité dans :
Merton, R. K. (1973). The Normative Structure of Science. Dans The Sociology of Science : Theoretical and Empirical Investigations (p. 267‑278). University of Chicago Press.

Monvoisin, R. (2007). Pour une didactique de l’esprit critique : Zététique et utilisation des interstices pseudoscientifiques dans les médias [Thèse, Grenoble 1]. Dans Http://www.theses.fr. http://www.theses.fr/2007GRE10181

Monvoisin, R. (2009, 17 avril). Brève histoire du terme étrange de zététique. Observatoire zététique. http://zetetique.fr/breve-histoire-du-terme-etrange-de-zetetique/

Novella, S. (2013, 15 février). Scientific Skepticism, Rationalism, and Secularism. NeuroLogica Blog. https://theness.com/neurologicablog/index.php/scientific-skepticism-rationalism-and-secularism/

Charge de la preuve
et Pseudo-scepticisme

« In science, the burden of proof falls upon the claimant; and the more extraordinary a claim, the heavier is the burden of proof demanded. »

Marcello Truzzi.

« Qu’ont de sceptique les mouvements de scepticisme scientifique ? » est la question à laquelle mon travail universitaire souhaite apporter une réponse. Le scepticisme scientifique peut se présenter comme l’application d’une certaine philosophie scientifique et sceptique, non sans référence aux scepticismes en philosophie en reprenant les termes de doute et de suspension du jugement. Il s’agit d’un mouvement s’étant développé au 20ème siècle pour étudier les prétentions étranges et informer la population des impostures et des risques encourus. Le scepticisme scientifique s’ancre dans les mouvements de défense et promotion des sciences, avec un objectif pédagogique en souhaitant répandre une démarche critique. D’autres pages de ce site vous informeront davantage sur le sujet.

La question de la nature sceptique des sceptiques scientifiques est d’autant plus intéressante à traiter qu’elle est remise en cause au sein même du mouvement, sous la qualification de pseudo-scepticisme, une critique dont le principal représentant fut Marcello Truzzi (1935 – 2003), pourtant un des initiateurs du mouvement sceptique scientifique aux États-Unis.

Ce dernier rappelle que la charge de la preuve, c’est-à-dire l’obligation de devoir apporter la preuve qu’une proposition avancée est vraie ou fausse, revient à celui qui affirme, et qu’une affirmation extraordinaire demande des preuves extraordinaires (un adage connu au sein du scepticisme scientifique et popularisé par Carl Sagan).
Cela a pour conséquence que ce qui est affirmé sans preuve peut être rejeté sans preuve, mais Truzzi déplore que certains interprètent cela comme si ça signifiait que l’on pouvait contredire sans preuve, alors qu’une contradiction constitue en soi une affirmation qui nécessite donc d’être prouvée. Il critique ainsi les pseudo-sceptiques comme n’étant pas dans une démarche zetetic, dans son sens antique associé au scepticisme, c’est-à-dire de recherche, mais dans une démarche de pure critique négative, « debunk », sans réellement chercher à explorer pour connaitre les sujets traités car en partant avec des à priori sur les phénomènes étranges, à priori non compensés par une suspension (provisoire) du jugement.
 

Le pseudo-scepticisme

La page Wikipédia dédiée au Pseudoskepticism le définit comme « a philosophical or scientific position that appears to be that of skepticism or scientific skepticism but in reality fails to be » : une position philosophique ou scientifique qui n’a que l’apparence d’un scepticisme. Si une histoire du terme en philosophie est proposée en le faisant remonter au 19ème siècle, c’est à son usage au 20ème siècle sous la plume de Marcello Truzzi, un des fondateurs de l’association sceptique Committee for Skeptical Inquiry qu’il fut rapidement amené à quitter, que l’on s’intéresse ici.

Truzzi reprochait aux sceptiques de ne pas adopter une position à priori agnostique vis-à-vis des phénomènes réputés paranormaux, et d’être dans une attitude de « debunk » rapport à des phénomènes avant d’avoir mené les investigations nécessaires à les connaitre, en acceptant de collaborer avec les chercheurs en parasciences. Sans être lui-même un tenant des phénomènes paranormaux, il reprochait aux sceptiques un double standard dans l’analyse des données selon les sujets et les a priori de chacun, leur valant la qualification de pseudo-sceptiques.
D’ailleurs, on semble pouvoir mettre en évidence des phénomènes de parapsychologie avec des méthodologies pas plus critiquables que celles employées dans certaines études par exemple de psychologie, mais on accorde pourtant davantage de valeur à ces dernières : cela ne signifie pas nécessairement que nous devrions accorder davantage de valeur aux parasciences, mais c’est à questionner dans le cadre de la « crise de la reproductibilité », qui remet en question beaucoup de connaissances précédemment établies.

Truzzi reprendra le terme pyrrhonien « zetetic » dans le but de différencier les individus étant selon lui dans une démarche proprement sceptique de recherche, des pseudo-sceptiques adoptant à priori une attitude négative plutôt qu’agnostique, même si le terme avait auparavant déjà été repris par la Flat Earth Society. Cela mènera au 20ème siècle Henri Broch (2019) à vouloir clairement distinguer sa réappropriation du terme « zététique » de celles ayant été faites avant lui.
Le scepticisme de Truzzi se réfère au doute plutôt qu’au déni, à la non-croyance plutôt qu’à la croyance. Si Truzzi semble une origine des adages sceptiques « la charge de la preuve revient à celui qui affirme » et « (plus) une affirmation (est) extraordinaire (plus elle) requiert des preuves extraordinaires », ceux-ci ayant pour conséquence que « une affirmation sans preuve peut être rejetée sans preuve », il en rappelle un aspect important en y dédiant un article On Pseudo-Skepticism au sein de sa revue Zetetic Scholar :

« En science, la charge de la preuve revient à celui qui affirme ; et plus une affirmation est extraordinaire, plus la charge de la preuve exigée est lourde. Le vrai sceptique adopte une position agnostique, qui dit que l’affirmation n’est pas prouvée plutôt que réfutée. Il considère que celui qui affirme n’a pas supporté la charge de la preuve et que la science doit continuer à construire sa carte cognitive de la réalité sans intégrer l’affirmation extraordinaire comme un nouveau « fait ». Comme le vrai sceptique ne fait pas d’affirmation, il n’a pas la charge de prouver quoi que ce soit. Il continue simplement à utiliser les théories établies de la « science conventionnelle » comme d’habitude. Mais si un critique affirme qu’il y a des preuves de réfutation, qu’il a une hypothèse négative – disant, par exemple, qu’un résultat psi apparent était en fait dû à un artefact – il fait une affirmation et doit donc également supporter la charge de la preuve. » (Truzzi, 1987, pp. 3-4)
 

La charge de la preuve

On comprend ici que le pseudo-sceptique tend à confondre ce qui n’a pas été prouvé et ce qui aurait été prouvé erroné, ne respectant alors lui-même pas la charge de la preuve, une contre-affirmation demandant elle-même d’être étayée.
Si certains tentent de se réfugier derrière la croyance répandue selon laquelle on ne pourrait pas prouver une absence d’existence, il est difficile de savoir en quoi cela légitimerait un double standard épistémique, c’est-à-dire de faire deux poids deux mesures, en se permettant certaines affirmations sans les étayer.

Lorsque je vous dis que les licornes existent car vous ne m’avez pas prouvé le contraire, je me sers de l’ignorance sur un sujet pour inverser la charge de la preuve, c’est-à-dire me dédouaner d’apporter des arguments en vous demandant de le faire à ma place.
Mais si vous me répondez que les licornes n’existent pas, que c’est à moi de prouver leur existence, et donc de prouver le contraire de l’affirmation que vous venez de faire, vous vous dédouanez à votre tour d’argumenter votre affirmation, en faisant à nouveau un appel à l’ignorance.

Il ne faut pas inverser la charge de la preuve ni même tomber dans un biais de juste milieu dès qu’une situation est incertaine, car l’incertitude ne signifie pas que deux affirmations sont tout aussi probables l’une que l’autre, mais il convient pour le sceptique de se rappeler que l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence, et d’accepter qu’un corpus de connaissances puisse être, à un instant t, trop incomplet pour qu’il soit possible de se prononcer.

Nous n’avons pas le devoir de considérer une hypothèse non étayée, ni de raison de le faire, en tout cas en priorité.
Quant à la charge de la preuve, il ne s’agit pas d’une loi physique ou logique qui serait intrinsèquement vraie, c’est plutôt un outil pragmatique : pourquoi prendrions-nous le temps de vérifier les croyances de chacun, alors qu’il est possible d’en inventer une infinité ?

Un adage sceptique connu est qu’une affirmation sans preuve, peut être rejetée sans preuve. Cela signifie que nous continuons notre vie sans porter d’intérêt à cette affirmation.
Mais ne commettons plus l’erreur du pseudo-scepticisme en considérant qu’une affirmation sans preuve pourrait être contredite sans preuve. Car une contradiction constitue elle-même une affirmation, qui, sans preuve, peut-être rejetée sans preuve. Et un travail critique sur un sujet empirique demande d’être sourcé. Nous pouvons donc compléter l’adage, en déclarant que ce qui est affirmé sans preuve, peut être rejeté sans preuve, mais pas contredit sans preuve.

Pour cela définissons d’une manière simple et claire la charge de la preuve : pour toute affirmation quelle qu’elle soit, positive ou négative, celui qui fait cette affirmation précise a la responsabilité d’étayer cette affirmation précise, il en porte la charge de la preuve.

Charge et niveau de preuve

Pyramide de la charge de la preuve.

La charge de la preuve que l’on fait peser sur celui qui fait une affirmation dépend de ses prétentions, et du niveau de certitude que l’on souhaite atteindre selon les enjeux et conséquences possibles de considérer ou non une telle affirmation.

Par exemple dans un cadre judiciaire des preuves claires et convaincantes sont demandées pour retirer la garde d’un enfant, sans pour autant nécessiter d’aller au delà de tout doute raisonnable, la sécurité de l’enfant étant l’enjeu à privilégier. Tandis que dans votre vie ordinaire, si votre collègue vous informe qu’il vient d’accueillir un nouveau chien, son affirmation est suffisamment commune et anodine pour que vous l’acceptiez probablement sur parole sans lui demander plus qu’une photo. Si votre collègue déclare qu’il vient d’adopter une licorne, vous lui demanderez davantage de preuves, non pas en faisant deux poids deux mesures par rapport au chien, mais car contrairement au chien vous ne possédez pas déjà un ensemble de preuves bien étayées relativement à l’existence des licornes, et il vous en manque donc davantage pour arriver à un niveau égal de preuve : c’est pourquoi les sceptiques déclarent que les affirmations extraordinaires demandent des preuves plus qu’ordinaires.

À mesure que le niveau de preuve demandé augmente, les preuves disponibles diminuent, il est de plus en plus difficile d’en produire ou d’en fournir.
 

Le scepticisme des sceptiques scientifiques

La critique du pseudo-scepticisme mena aussi à la création de The Association for Skeptical Investigation et de son site internet Skeptical about Skeptics. Sur sa page Pseudoskeptics Revealed, le pseudo-scepticisme est conçu comme pensant déjà connaitre la vérité et rejetant toutes les preuves ne le confortant pas en les qualifiant comme sans pertinence, rejetant alors à priori notamment les phénomènes « psi » (comme la télépathie et la précognition), tandis que le scepticisme se caractériserait par une attitude d’ouverture d’esprit (sans explication du sens donné ici à cette expression), une pensée critique et une attention portée aux preuves. Sur la page Why Are We Skeptical About Skeptics?, Craig Weiler se veut dénoncer une communauté sceptique qui œuvrerait pour que seuls les éléments d’un débat allant dans son sens soient présentés au public, en rejetant dogmatiquement les nouvelles idées.

Le pseudo-sceptique
🙁
Le sceptique
🙂
Nie quand il ne peut que douter.Doute tant qu’aucune affirmation n’a été prouvée.
Fait deux poids deux mesures dans ses critiques selon ses opinions.N’a qu’un standard méthodologique, peu importe l’affirmation.
S’attaque à un sujet plutôt que de l’investiguer.S’intéresse aux preuves quelles que soient leurs implications.
Forme son jugement sans faire de recherche approfondie.Suspend son jugement le temps de faire des recherches suffisantes.
Affirme sans fournir de preuve.Reconnait la présence insuffisante de preuves.
Considère que la critique ne porte jamais la charge de la preuve.Adopte une position agnostique ne portant pas la charge de la preuve.
Qualifie ses opposants de charlatans, pseudo-scientifiques, …Traite des arguments plutôt que des personnes.
Suppose des biais et fait des critiques non fondées.Avance des arguments précis et concrets.
Fonde ses contre-affirmations sur la plausibilité.Accepte que l’absence de preuve ne prouve rien en soi.
Suggère qu’une preuve non convaincante est un motif de rejet.Poursuit l’examen des preuves même si des défauts sont constatés.
Considère ses opposants même chercheurs comme ignorants.A conscience de sa propre ignorance et de son manque de formation.
Parle au nom de la science en rapportant l’avis communautaire.Rapporte précisément les données réelles et les propos d’experts.
Tend à rejeter des preuves.Écoute toutes les preuves.
S’illusionne dans la confirmation de croyances faussement scientifiques. Encourage l’avancée des connaissances.
Pense connaitre la bonne réponse sans investiguer un sujet.S’intéresse aux explications alternatives et affirmations étranges.
Considère comme trompeur ce qui ne soutient pas une position pré-établie.Se concentre sur une recherche impartiale de la vérité.
Pseudo-scepticisme VS Scepticisme

Le scepticisme scientifique est un mouvement international dont les philosophies et objectifs peuvent varier y compris au sein d’une même communauté. Le sceptique demande, pour accepter des affirmations comme des connaissances, qu’elles soient soutenues par des preuves empiriques, dans une démarche qui se réclame de la pensée critique et de la méthode scientifique. Si le sceptique scientifique doit éviter tout dogmatisme et être prudent envers ses propres croyances, sa démarche de doute est un outil provisoire pour s’assurer de la véracité ou non des croyances en examinant l’état des connaissances sans à priori, et sans nier la possibilité de connaitre ni rejeter des résultats obtenus via une démarche scientifique. Le sceptique ne rejette ainsi pas ce qui lui est étrange sans prendre le temps de l’investiguer. En mettant l’accent sur la méthode et en se réclamant d’un rationalisme, le sceptique scientifique peut élargir son cadre d’examen au-delà des sujets purement scientifiques.

La dernière fois que vous avez affirmé à quelqu’un qu’il n’existait pas de preuve d’efficacité d’une certaine prise en charge se réclamant thérapeutique, sans même aller jusqu’à affirmer l’absence d’efficacité, vous êtes-vous demandé comment vous saviez ce que vous saviez ?
Si vous aviez au préalable pris le temps d’explorer la littérature scientifique sur le sujet, tout en réalisant la difficulté de correctement interpréter vos lectures sans formation professionnelle dans le domaine, alors je vous félicite.

Rappelons-nous le premier slogan sceptique, par le Comité Para : « Ne rien nier a priori, ne rien affirmer sans preuve. »
 

En savoir plus

Broch, H. (2019). La zététique ou l’art du doute. Tangente, 187. https://www.afis.org/La-zetetique-ou-l-art-du-doute

Pseudoskepticism. (2020). Dans Wikipedia. https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Pseudoskepticism

The Association for Skeptical Investigation. (s. d.). Pseudoskeptics Revealed. Skeptical About Skeptics. https://www.skepticalaboutskeptics.org/

Truzzi, M. (1987). On Pseudo-Skepticism. Zetetic Scholar, 12/13, 3-4.

Weiler, C. (s. d.). Why Are We Skeptical About Skeptics? Skeptical About Skeptics. https://www.skepticalaboutskeptics.org/skeptical-investigations/why-are-we-skeptical-about-skeptics/

Une histoire de logique

(BD) Une histoire de logique

*Par traduction littérale de l’anglais Premise, « Prémisse » est ici à comprendre au sens d’hypothèse du personnage ou de prologue de l’histoire. En terme logique, c’est sa conclusion générale et non une prémisse de ses raisonnements que le personnage exprime au début. « Hypothèse acceptée. » serait plus approprié.
**Dans l’essentialisme génétique (genetic fallacy), le terme génétique se réfère à la genèse, et pas spécifiquement aux gênes comme on pourrait le penser.

Une histoire de logique :
https://twitter.com/dialmformichele/status/1164272622798090242
https://www.instagram.com/p/B1cIqSkgLS6

A look at logical fallacies :
https://michelerosenthal.com/portfolio/logical-fallacies

Disponible en poster :
https://society6.com/product/une-histoire-de-logique_poster

Attention, ces robots ne semblent pas très pédagogiques !

Ressources bibliographiques sur les scepticismes


Faute d’avoir succombé aux nombreuses demandes pour que je partage mon mémoire, on m’a demandé des références bibliographiques. J’ai donc sélectionné certains éléments pour former cette page. Me dire si des contenus ou une organisation particulière sont souhaités.

Les scepticismes en philosophie

  • Sextus Empiricus. (2019). Contre les logiciens (R. Lefebvre, Trad.). Les Belles Lettres. (Édition originale, IIe siècle)
  • Sextus Empiricus. (1997). Esquisses pyrrhoniennes (P. Pellegrin, Trad.). Éditions du Seuil. (Édition originale, IIIe siècle)
  • Descartes, R. (1628). Règles pour la direction de l’esprit.
  • Descartes, R. (1647). Méditations métaphysiques.
  • Hume, D. (1748). Enquête sur l’entendement humain.
  • Brahami, F. (2001). Le travail du scepticisme : Montaigne, Bayle, Hume. Presses universitaires de France.

Les scepticismes scientifiques

Français

Anglais

  • Dommanget, J. (1993). The Comite PARA—A European Skeptics Committee. Journal of Scientific Exploration, 7(3), 317‑321.
  • Gardner, M. (1957). Fads and Fallacies in the Name of Science (2e éd., révisée et augmentée). Dover Publications.
  • Merton, R. K. (1973). The Normative Structure of Science. Dans The Sociology of Science : Theoretical and Empirical Investigations (p. 267‑278). University of Chicago Press.
    (note : à propos du scepticisme organisé de l’institution scientifique ≠ mouvement de scepticisme scientifique)
 – About pseudoskepticism
  • Truzzi, M. (1987). On Pseudo-Skepticism. Zetetic Scholar, 12/13, 3‑4.

Billets et vidéos en projet

Philosophie :

 Philosophies sceptiques :

  • Le pyrrhonisme de Sextus Empiricus
  • Le scepticisme modernisé de Montaigne
  • Le doute méthodologique de René Descartes
  • Le scepticisme empirique de David Hume

Sociologie :

  • Le scepticisme organisé et l’ethos de l’institution scientifique

Histoire :

  • Médiations des sciences et des savoirs médicaux à l’époque moderne