Martin Gardner (1914 – 2010) était un vulgarisateur scientifique particulièrement connu pour sa chronique « Mathematical Games » dans Scientific American et pour son opposition aux pseudosciences. Il côtoie déjà le magicien James Randi et le sociologue Marcello Truzzi lorsqu’ils sont tous conviés en 1976 par le philosophe Paul Kurtz, inquiet d’une montée des croyances paranormales, à la conférence qui aboutira à la fondation du Committee for Scientific Investigation of Claims of the Paranormal.
Bien avant la création de ce qui deviendra ensuite le Committee for Skeptical Inquiry, Gardner publie en 1952 (soit peu après l’apparition du Comité Para, bien que les évènements ne soient pas directement liés entre eux), un ouvrage intitulé In the Name of Science: An Entertaining Survey of the High Priests and Cultists of Science, Past and Present. À l’occasion de son édition revue et étendue en 1957, le livre se renomme Fads and Fallacies in the Name of Science, non sans intentionnellement rappeler Foibles And Fallacies Of Science, titre d’un ouvrage du physicien Daniel Webster Hering datant de 1924, et qui faisait déjà la critique des pseudosciences et charlataneries.
La seconde édition de l’ouvrage nous gratifie d’une préface intéressante : Gardner nous rapporte que, à la suite de la publication du livre en 1952, il reçut de nombreuses lettres de lecteurs mécontents. Cela n’est pas étonnant, et les vulgarisateurs sceptiques contemporains ne sont pas étrangers des harcèlements de la part des imposteurs et des croyants, même si les lettres sont aujourd’hui remplacées par les réseaux sociaux en ligne (voir exemple de Jacques Grimault). Mais Gardner pointe que, plus que de simplement avoir été critiqués, nombre de mécontents se plaignent particulièrement d’avoir été mis au même niveau que telle ou telle autre pratique : ils ne remettent pas en cause les critiques envers les autres disciplines, voire les approuvent, c’est seulement celles envers leur discipline dont ils s’offusquent. Un constat qui, lui aussi, rappelle celui fait en 2018 par Frank Ramus dans son article « La rationalité est-elle à géométrie variable ? ». L’ouvrage a également reçu des retours positifs ainsi que des critiques constructives accompagnées de ressources additionnelles utiles à la construction de sa seconde édition. Dans cette préface, le livre de Daniel W. Hering est mentionné comme un des rares écrits antérieurs ayant pu donner des pistes à Gardner.